Titres des œuvres d’art
Interrelation: Ekpahak, 2018, documentation photographique (12,5 po X 8,5 po), performance de longue durée sur le terrain au cours de laquelle l’artiste a tressé des rubans de signalisation violet autour d’un arbre sur le territoire wolastoqey non cédé. Elle a, pour ce faire, travaillé en collaboration avec le chanteur Glenn Bernard. Copyright Meagan Musseau, crédit photographique du centre Connexion Artist-Run Centre.
She travels to Wolastoqkuk (Elle se rend à Wolastoqkuk) [traduction], de la série intergalactique L’nu Basket, 2018. Éclisses de frêne noir, ruban de signalisation et vinyle, (3,75 po X 3,75 po X 10 po). Copyright Meagan Musseau, crédit photographique de Meagan Musseau.





Rédaction par Emma Hassencahl-Perley
C’était la première fois que je rencontrais Meagan Musseau en personne. Pourtant, depuis bien des années déjà, j’avais suivi sa démarche artistique pluridisciplinaire dans les médias sociaux. Mme Musseau est une Mi’kmaq originaire d’Elmastukek (Bay of Islands, dans l’Ouest de Terre-Neuve). J’avais hâte de la rencontrer pour en apprendre davantage sur son art et son expérience de la résidence Atlantic Emerging Artist (AEA) au Banff Centre for the Arts. Elle m’a alors demandé d’écrire cet article sur son œuvre Interrelation: Ekpahak créée lors de la résidence LAND / MARK au centre Connexion Artist-Run Centre (ARC) en septembre 2018.
L’objectif des résidences était de créer des œuvres collaboratives et en lien avec le territoire sur le thème de la décolonisation. Mme Musseau a postulé en présentant une œuvre qu’elle avait réalisée en 2017 au Banff Centre for the Arts sur la montagne du buffle sacré (Sacred Buffalo) dans le territoire du Traité 7. Son œuvre est intitulée « and when they poison the bogs, we will still braid sweetgrass » [et lorsqu’ils auront détruit les tourbières, nous continuerons à tresser le foin d’odeur] [traduction]. Cette œuvre est une performance de longue durée où l’artiste tresse des lanières de sept mètres de ruban de signalisation orange autour d’un arbre sur la montagne du buffle sacré. Dans la vidéo de documentation, Mme Musseau tresse les lanières jusqu’à la fin du ruban. L’œuvre s’accompagne d’une installation de la tresse de ruban de signalisation terminée qui est juxtaposée aux bottes en peau de phoque de sa tante. « Je suis allée à la résidence LAND / MARK avec cette œuvre en tête et j’avais l’intention de créer une nouvelle pièce qui serait évocatrice du territoire et qui s’ouvrirait à un collaborateur. »
Le centre Connexion ARC, en partenariat avec le programme d’arts visuels autochtones (IVA) du Collège d’art et de design du Nouveau-Brunswick, a fourni à Mme Musseau un espace de studio pour la durée de la résidence de deux semaines. Au cours de la première semaine, Meagan Musseau a travaillé avec les étudiants du programme IVA et s’est concentrée sur l’exploration des matériaux par le biais de la vannerie. À l’aide d’éclisses de frêne noir, de vinyle synthétique rose et de ruban de signalisation violet, elle a réalisé [titre de l’œuvre]. Dans une entrevue réalisée sur la plateforme Zoom, l’artiste a déclaré : « Ce matériau [le ruban de signalisation] possède son propre langage pour l’arpentage des terres, l’aménagement de sentiers ou simplement le balisage de sites. » Le ruban de signalisation est un matériau familier pour Meagan Musseau qui l’utilise couramment dans son art. Celui-ci symbolise l’extraction des ressources menée trop souvent par des compagnies forestières, [fact check] en particulier, extraction qui ravage les terres ancestrales. La résidence LAND / MARK a permis à Meagan Musseau de poursuivre cette exploration matérielle à l’aide de vinyle synthétique et de ruban de signalisation aux couleurs vives, des éléments qu’elle a également utilisés au cours de sa résidence à Banff (AEA) dans l’œuvre intitulée Material Harvesting ainsi que dans sa série ayant pour titre Intergalactic L’nu Baskets. L’artiste utilise ces matériaux achetés en magasin pour illustrer la difficulté qu’elle a désormais à avoir accès aux matériaux traditionnels, comme le frêne noir pour la vannerie.
Cette exploration me rappelle Charles Solomon, le vannier wolastoqey, et sa série de paniers à volets vénitiens. Je m’intéresse à la façon dont les artistes utilisent des matériaux facilement accessibles ou recyclés pour imiter les matériaux traditionnels utilisés à l’origine dans les formes d’art indigènes. La résilience des artistes indigènes transparaît dans la nature des matériaux, car j’estime que, dans la plupart des cas, peu importe qu’ils n’aient pas accès ou qu’ils n’aient pas le temps de recueillir les matériaux d’origine, les artistes indigènes trouvent toujours un moyen de créer des œuvres nouvelles et significatives au sein de leurs communautés. Si un jour les artistes n’ont plus accès au frêne noir, cela ne les empêchera pas pour autant de créer des paniers et d’autres objets en bois.
Au cours de la deuxième semaine de la résidence LAND / MARK, le centre Connexion ARC a mis Meagan Musseau en contact avec le joueur de tambour et chanteur wolastoqey, Glenn Bernard. Le dernier soir de sa résidence LAND / MARK, Meagan Musseau se prépare à présenter son installation Interrelation: Ekpahak en bordure de la rivière Wolastoq dans le centre-ville de Fredericton. Il s’agit d’une reprise de l’œuvre présentée en 2017 au Banff Centre. Interrelation: Ekpahak est un projet ancré dans un espace particulier, une reconnaissance multicouche de l’espace par la mémoire et la cérémonie. L’œuvre est en quelque sorte une offrande et un hommage aux terres ancestrales que visite l’artiste. Le ruban de signalisation représente le cordon ombilical − à une extrémité, la tresse est attachée à l’arbre qui est lui-même enraciné dans le paysage, et à l’autre extrémité, les bouts de ruban sont enroulés autour des doigts de l’artiste. La tresse symbolise la profonde relation spirituelle qu’entretiennent les peuples autochtones avec la Terre. Chez de nombreux peuples autochtones, le tressage est un geste à caractère cérémoniel où les lanières entrelacées représentent les liens entre l’esprit, le corps et l’âme.
Meagan Musseau commence par enrouler des lanières de sept mètres de ruban de signalisation violet fluorescent autour d’un arbre près de la rivière Wolastoq − un plan d’eau important profondément ancré dans l’identité des Wolastoqiyik. L’artiste est une visiteuse sur le territoire Wolastokuk (les terres ancestrales) et elle est consciente de procéder aussi à une certaine extraction pendant son séjour et dans sa propre démarche artistique. En contrepoint, elle présente son œuvre comme une offrande au territoire en y incorporant les sons des gens qui ont habité ces terres depuis des millénaires. Mme Musseau demeure concentrée sur la tâche à accomplir, en tressant les lanières de ruban, et à tous les quelques mètres, elle doit aussi les démêler. Il est essentiel de prévoir des pauses puisque le travail et l’effort physiques peuvent rapidement devenir frustrants et épuisants.
Toujours au cours de ce même entretien sur la plateforme Zoom, j’ai demandé à Mme Musseau quelle était la différence entre Interrelation: Ekpahak et son œuvre intitulée « and when they poison the bogs, we will still braid sweetgrass. Elle a évoqué l’expérience qu’elle a vécue sur la montagne du buffle sacré, à Banff, alors qu’elle tressait du ruban de signalisation autour d’un arbre et voici ce qu’elle a répondu. « À mi-chemin, je me suis demandé où était le tambour. J’avais besoin des battements du cœur. Nous avons besoin des chants issus du territoire autour duquel l’œuvre s’articule. » Dans la documentation sur la performance, il ressort que Meagan Musseau a visiblement du mal à démêler les rubans derrière elle pour continuer la tresse. Tout au long de la performance intitulée « and when they poison the bogs, we will still braid sweetgrass », l’artiste était seule avec le caméraman et deux ou trois visiteurs.
Cette fois, avec l’aide de son collaborateur, Glenn Bernard, et au son du tambour (qui symbolise les battements de cœur de la Terre Mère), Meagan Musseau peut demeurer concentrée sur ses mouvements et elle peut ressentir l’énergie qui se dégage de la foule derrière elle près de la rivière. Glenn chante, entre autres, le chant de la Wolastoq et le chant d’honneur mi’kmaq. Il faut près de deux heures à Meagan Musseau pour terminer la tresse en ruban de signalisation. Elle est fatiguée, et la foule a commencé à se disperser après le coucher du soleil. Lorsque Meagan a terminé, elle se rend compte qu’elle est dans l’obscurité totale, sous les étoiles. Elle sent un lien particulier avec les terres Wolastokuk, qui sont restées pour elle un lieu de rencontre important à l’occasion de ses déplacements professionnels. Elle se souvient s’être sentie plus humble et avoir été touchée par cette expérience et elle remercie le territoire pour tout ce qu’il lui a donné.


About the Artists
Megan Musseau
Meagan Musseau est une artiste mi’kmaq (L’nu) d’Elmastukwek, territoire de Ktaqmkuk (Bay of Islands, Ouest de Terre-Neuve). Sa pratique interdisciplinaire se nourrit des formes d’art tradit...
Glenn Bernard
Glenn Bernard chante depuis qu’il est tout jeune, presque depuis qu’il a appris à parler. Il a voyagé dans tout l’Est du Canada et des États-Unis pour participer à des rassemblements et p...